Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon
La mort et les sépultures
L'espérance de vie était assez limitée à cette époque
puisqu'en 1750, sur le territoire français, elle est de 27 ans pour les hommes et de 28 ans pour les femmes;
puisqu'en 1900, sur le territoire français, elle était de 50 ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes.
Certains Mouzillonnais pouvaient cependant afficher une réelle longévité :
Le 16 mars 1689 est inhumé dans le petit cimetière Urbain Mesnard, âgé de 80 ans, de la Haute Barillière.
Le 2 janvier 1699 meurt Julien Bahuau, agé de 84 ans. Il sera enterré le 3 janvier dans le petit cimetière.
Le 10 décembre 1700 est célébrée la sépulture de Prudence Lévesque, agée de 82 ans.
Le 19 février 1701, est décédée Perrine Raffageau, veuve de Jean Sauvion, âgée de 84 ans; elle sera inhumée dans l'église le 20 février.
Le 17 janvier 1713 a été inhumé Jean CORBET, mari de Louise Ripoche, décédé à la métairie de Laugerie à l'age d'environ 100 ans.
Le 27 aout 1720 a été inhumé Jacques Brillouet décédé à Champoinet à l'age de 95 ans.
Le lieu de l'inhumation
Pour les inhumations, le lieu cité est habituellement le "petit cimetière"... ce qui laisse à penser qu'existaient d'autres lieux d'inhumation. De fait le 31 janvier 1683, Perrine Pasquet est inhumée dans le grand cimetière... ce qui laisserait supposer que le cimetière actuel, rue Emile Bouhanchaud daterait de cette époque. De plus, la recomposition des actes d'état civil effectuée en 1811 précise bien que quelqu'un est mort dans "le clos des cimetières"; cette appellation est donc antérieure au permier empire, peut-être convient-il de situer l'implantation de ce cimetière au cœur de la seconde moitié du XVIIème siècle.
D'autre part dans cette deuxième partie du XVIIème siècle des personnalités sont enterrées dans l'église paroissiale. Jeanne Dugast, épouse de Jacques Luneau est enterrée dans l'église paroissiale le 19 juin 1680; Il en sera de même pour Jeanne Lefort le 27 janvier 1683, et aussi pour Mathieu Denis le 18 janvier 1690.
Puis apparaissent d'autres lieux d'inhumation comme celle qui se déroule dans la chapelle de la Morandière le 22 juin 1721 pour Joseph Antoine de Bruc et ensuite pour d'autres membres de sa famille, comme le 12 août 1730 pour Antoine François de Bruc.
Le danger des épidémies était permanent
Une épidémie pouvait décimer en quelques semaines une partie de la population :
En 1731 les registres portent les mentions de 133 sépultures; parmi les morts on compte de nombreux enfants.
En 1734, une épidémie a causé la mort d'un grand nombre de personnes, particulièrement des enfants : on dénombre 154 sépultures au cours de 12 mois de l'année 1734.
Une autre épidémie en 1765 a fait aussi des ravages : 107 morts au cours de l'année.
En 1779, une épidémie de dysenterie décime une partie de la population. Au cours d'une même semaine des villages sont fortement atteints; La Grange est le premier village touché. Le registre n'est pas assez volumineux et ne permet pas d'enregistrer tous les actes; les derniers actes sont enregistrés sur le registre de l'année 1780.
En 1809 une épidémie de variole (appelée petite vérole dans les registres municipaux) a fait de grands ravages parmi les enfants.
Une mort qui se remarque
Le registre du 17 décembre 1720 mentionne cette situation particulière : "le corps de Thomas... couvreur, décédé en tombant par accident de l'église, a été inhumé dans le cimetière ordinaire"
Thomas n'a pas de nom de famille... comme s'il s'agissait d'un compagnon connu par son prénom seulement. Le métier de couvreur n'était peut-être pas répandu au point qu'il ait fallu faire appel à une entreprise venant de beaucoup plus loin... à moins que Thomas gagnait sa vie dans l'itinérance, prenant le travail qui se présentait sur sa route.
La mort peut être accidentelle
Le registre du 30 mai 1693 mentionne le décès de Julien MENEUX fils de Adrien MENEUX, âgé de 2 ans, qui s'est noyé hier dans la rivière vis à vis de la Roberdière, voulant aller avec d'autres petits enfants comme lui, lequel a été trouvé ce matin... François BASTARD son grand-père est allé le présenter au procureur... conformément à l'ordonnance.
Une approche apocalyptique
Du XIIIe siècles jusqu'aux années 1960, les sépultures étaient profondément imprégnées des visions décrites dans la bible au sujet des jugements derniers. Le chant du "Dies Irae, dies illa" qui était entonné à chaque sépulture met en évidence cette tonalité. Voici la traduction donnée sur un site wikipedia
"Jour de colère, que ce jour-là Où le monde sera réduit en cendres, Selon les oracles de David et de la Sibylle.
Quelle terreur nous saisira lorsque le Juge apparaîtra pour tout juger avec rigueur !
Le son merveilleux de la trompette, se répandant sur les tombeaux, nous rassemblera au pied du trône.
La Mort, surprise, et la Nature verront se lever tous les hommes pour comparaître face au Juge.
Le livre alors sera ouvert, où tous nos actes sont inscrits ; tout sera jugé d'après lui.
Lorsque le Juge siégera, tous les secrets seront révélés et rien ne restera impuni.
Dans ma détresse, que pourrai-je alors dire ? Quel protecteur pourrai-je implorer ? alors que le juste est à peine en sûreté…
Ô Roi d’une majesté redoutable, toi qui sauves les élus par grâce, sauve-moi, source d’amour.
Rappelle-toi, Jésus très bon, que c’est pour moi que tu es venu ; Ne me perds pas en ce jour-là.
À me chercher tu as peiné, Par ta Passion tu m’as sauvé. Qu’un tel labeur ne soit pas vain !
Tu serais juste en me condamnant, mais accorde-moi ton pardon lorsque j'aurai à rendre compte.
Vois, je gémis comme un coupable et le péché rougit mon front ; Seigneur, pardonne à qui t’implore.
Tu as absous Marie-Madeleine et exaucé le larron ; tu m’as aussi donné espoir.
Mes prières ne sont pas dignes, mais toi, si bon, fais par pitié, que j’évite le feu sans fin.
Place-moi parmi tes brebis, Garde-moi à l'écart des boucs en me mettant à ta droite.
Quand les maudits, couverts de honte, seront voués au feu rongeur, appelle-moi parmi les bénis.
En m’inclinant je te supplie, le cœur broyé comme la cendre : prends soin de mes derniers moments.
Jour de larmes que ce jour-là, où, de la poussière, ressuscitera le pécheur pour être jugé !
Daigne, mon Dieu, lui pardonner. Bon Jésus, notre Seigneur, accorde-lui le repos. Amen."
La première version de ce texte est apparue au XIIIème siècle après la mise à sac d'une ville italienne, CELANO, par Frédéric de Holenstaufen. Dans cette perceptives les malheurs du temps présent sont directement mis en relation avec la fin du monde, dans un environnement de jugement.
Des confréries
Dans ce contexte d'une mort particulièrement prégnante sur la société sont apparues des de confréries. Ces confréries étaient comme des associations dont on devient membre
d'une part pour bénéficier des prières des confrères le jour de sa propre mort
d'autre part pour assister de ses propres prières les autres défunts, en particulier les pauvres.
A Mouzillon, nous trouvons de témoignage de l'existence de confréries :
le 15/12/1788 est célébrée l'inhumation de René LUNEAU, époux de Perrine CHEVALIER, ancien prévot de la confrérie du Rosaire.
le 08/01/1779 est célébrée l'inhumation de François PHILBERT, ancien frabriqueur et ancien prévôt de la confrérie du Rosaire.
Ces associations spirituelles témoignent d'une solidarité entre paroissiens.
Une espérance de vie prolongée
Heureusement, les préventions organisées par la médecine se sont développées au long du XIXème siècle et les épidémies ont cessé d'être une menace permanente.
Puis au XXème siècle, les progrès médicaux, la variété de l'alimentation et la mécanisation du travail ont permis d'envisager une espérance de vie beaucoup plus longue.